A la lecture des différents ouvrages des spécialistes de cette religion, Kali Argyriardis et Stefania Capone en tête, il est intéressant d’observer la multitude de pratiques cultuelles rattachées à la santerià et ses implications culturelles et artistiques qui rassemblent aujourd’hui la majorité des Cubains, sans distinction de genre, sociale ou professionnelle.
A travers cet essai photographique, je voulais relier les différents aspects reflétant cette société métissée et souligner le caractère transnational de cette « religión yoruba » dérivée des cultes originaires du Niger.
Importée par les esclaves au XIXème siècle, la religion des orishas cohabite, coexiste et s’imbrique parfois même à la religion catholique.
Le culte voué à Cachita, la Vierge de la Charité, en est le parfait exemple, puisque Cachita est également vénérée dans la santerià à travers l’orisha Oshùn, représentant les attributs de la féminité, de l’amour et de la sensualité. Sans compter les innombrables équivalences entre saints et orishas.
Dans une société où la précarité des ressources matérielles alimente le besoin d’entraide et de foi, l'entrée dans la santerià établit un lien quasi-fraternel entre ses membres.
Malgré leurs empreintes communautaires fortes, les mouvements religieux d’origine africaine ont toujours eu du mal à s’affirmer officiellement sur l’île de Cuba. A défaut de véritable structure, ils se sont développés dans les maisons, où autels, statuettes et autres objets de culte se retrouvent sous les escaliers, sur les réfrigérateurs et derrière les portes.
L’initié est ainsi traité comme un enfant pendant sa période d’ascèse et crée entre lui et son orisha un lien de filiation. Ce sens de la communauté et du sentiment d’appartenance se rejoignent aussi sous la forme d’une marraine et d’un parrain, ainsi que des cousins et cousines qui guident le fidèle. Dans ce contexte, « la religión semble donc offrir aux individus une réponse à une angoisse liée très fortement aux rapports à l’autre et à soi » (Argyriadis, Kali. – La religión à La Havane. Actualité des représentations et des pratiques cultuelles havanaises, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 1999, p.51).
Le vecteur de propagation de la religión est à chercher dans les arts, favorisés par la politique culturelle ouverte à tous types d’expressions et de groupes religieux sans distinction après la révolution de 1959. 
Au milieu des tambours traditionnels batá toujours joués en trio, les danses auxquelles participent des représentations humaines des orishas participent ainsi au folklore. Ces racines africaines de l’art cubain et son internationalisation ont conduit à l’expansion de la santerià au Brésil, au Mexique mais également avant l’heure à la communauté afro-américaine.
Comme le rappelle Jorge Ramirez Calzadilla, les parallèles sont grands avec « la réalité cubaine, la façon dont les habitants règlent les problèmes,  la vision qu’ils ont de l’avenir et le sort qu’ils font à la mort». 
Le soir même de l’initiation, le poulet sacrifié le matin avait été déjà dévoré…

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